vendredi 23 mars 2012

Les portraits du Fayoum sont des "apostrophes muettes"


Dans notre cours sur l'histoire du portrait nous avons "rencontré" d'étonnants portraits appelés portrait du Fayoum.
En effet, dès les années 1880 près de 1000 portraits ont été découverts en Égypte dans la région du Fayoum. Ce sont d'abord les témoignages de formidables portraits provenant de l'Antiquité : ce qui est très rare car les supports sur bois ou sur toile ont disparu. Le climat particulièrement sec de l’Égypte et la qualité des tombes ont permis la préservation de ces peintures sur bois issues d'un culte funéraire étonnant.
L’Égypte successivement occupée par les Grecs puis les Romains est devenue une province où les traditions s'entremêlent : on peut même parler de syncrétisme cultuel en matière d'inhumation.  On pratique l'embaumement, on entoure les corps de bandelettes puis on peint le portrait du défunt pour remplacer le traditionnel masque funéraire du sarcophage.




Ces peintures funéraires sont le plus souvent des portraits des défunts réalisés de leur vivant (mais pas systématiquement) : on retrouve des femmes, des hommes mais aussi des enfants. A bien y regarder, ils ont tous un point commun : ils portent leur regard (avec des yeux légèrement grandis) sur nous. Et on a la drôle d'impression d'être scruté par des yeux provenant de la nuit des temps (ou tout au moins de l'Antiquité tardive : Ier, IIe siècle et IIIe siècle ap JC pour l'essentiel). 
Jean-Christophe Bailly titre ainsi son essai sur ces portraits : "l'apostrophe muette"....J'aime ce titre car en effet, ces regards nous apostrophent, nous interrogent et nous donnent le vertige du temps, de la vie, de la mort.

Enfin, interrogeons-nous sur les styles de ces portraits : la plupart sont partagés entre deux pôles qu'on oppose généralement : les uns sont d'un naturalisme troublant, touchés sans doute par la mimesis que les peintres occidentaux auront du mal à retrouver par la suite, d'autres tendent vers l'idéalisation et la stylisation : les yeux agrandis encore, la forme du visage plus géométrique.
Tous ces portraits tendent ainsi vers l'un ou l'autre pôle : c'est en fait les deux alternatives constantes dans l'art du portrait : nature ou idéalisation.











Jean-Christophe Diedrich